Ce point de vue "systémique" a pénétré un grand nombre de domaines tant dans les sciences de la nature que dans les sciences humaines. Représentant un véritable nouveau paradigme, il permet de dépasser les limites de l'approche analytique utilisée auparavant par la science classique et de mieux comprendre la dynamique de tout objet d'observation considéré comme un système complexe, contenant d'autres systèmes, et s'intégrant lui aussi dans un système." La théorie générale des systèmes est ainsi une étude scientifique des "tout" et des "totalité" qui, il n'y a pas si longtemps, étaient considérés comme des notions métaphysiques dépassant les limites de la science."L. Von Bertalanffy

La "révolution" de la physique par l'apport de la mécanique quantique (c'est à dire la description du comportement de la matière et de la lumière à l'échelle subatomique, qui prennent des caractéristiques ondulatoire ou particulaire) semble avoir eu raison du réductionnisme et de la causalité linéaire, et a posé pour la première fois dans l'histoire de la science le problème de la connaissance de la réalité en étroite relation "d'interférence" avec l'observateur qui la perçoit, la décrit, la modélise... De façon métaphysique, le connu et le connaissant seraient intégralement reliés, dans un face à face réciproquement transformant. L'opposition même entre déterminisme et indéterminisme continue-t-elle d'avoir un sens; une nouvelle science du chaos a pris le relais de la science classique, dans la compréhension de tous les domaines complexes où la multiplicité des facteurs génère une dynamique qui, a une certaine échelle déploie un ordre émergent; la nature a des lois qui heurte la raison et dépasse le" bon sens".


Les limites du réductionnisme et de la causalité linéaire semblent atteintes désormais d'une façon universelle.
Von Bertalanffy consacrait, dans l'ouvrage cité qui date de 1968, quelques réflexions sur l'enseignement :

"L'enseignement conventionnel de la physique, de la biologie, de la psychologie ou des sciences sociales les traite en domaines séparés; la tendance générale est de transformer en sciences séparées des sous-domaines de plus en plus petits; ce processus se répète au point que chaque spécialité devient un petit modèle insignifiant détaché du reste. Au contraire, ce sont les besoins de l'éducation en "généralistes scientifiques" entrainés et en "principes fondamentaux" inter- disciplinaires que la théorie générale des systèmes essaye de satisfaire. Ce n'est pas un simple programme ou un vœu pieux puisque, comme nous avons essayé de le montrer, cette structure théorique se trouve déjà dans le processus du développement. En ce sens la théorie générales des systèmes semble être un progrès important vers une synthèse des disciplines et vers un enseignement intégré."

Comparaison entre l’approche analytique et l’approche systémique

Pour en terminer avec la théorie générale des systèmes... et le monde selon Von Bertalanffy :

"Le commandement ultime : l'homme est un individu"

"Le dogme principal sera alors : l'Homme n'est pas seulement un animal politique, il est d'abord et avant tout un individu. Les valeurs réelles de l'humanité ne sont pas celles qu'elle partage avec des entités biologiques, la fonction d'un organisme ou une communauté d'animaux, mais celles qui sont issues de l'esprit individuel. La société humaine n'est pas une communauté de fourmis ou de termites gouvernée par un instinct héréditaire et contrôlée par les lois d'un tout super-ordonné; elle est fondée sur l'achèvement de l'individu et elle est perdue si l'individu n'est plus qu'un rouage de la machine sociale. C'est, je crois, le précepte ultime que peut donner une théorie de l'organisation : non pas un manuel pour les dictateurs de toutes sortes, efficace pour dominer les êtres humains en appliquant scientifiquement les lois d'airain, mais un avertissement : le Léviathan de l'organisation ne peut avaler l'individu sans sceller du même coup sa perte inévitable."
L. Von Bertalanffy



"Théorie générale des systèmes" Ludwig Von Bertalanffy Ed Bordas 1973