DU DESTIN

"Mais [dira-t-on], les choses ne se produisent pas ainsi, et leur disposition dépend du mouvement circulaire du ciel qui gouverne tout, du cours des astres, de leur situation relative au moment de leur lever, de leur coucher, de leur zénith, ou de leur conjonction. En effet, c'est d'après ces signes que l'on présage et que l'on prédit ce qui doit arriver, non seulement à l'univers, mais encore à chaque homme sous le rapport de l'esprit aussi bien que sous celui de la fortune. On voit que les autres animaux et les végétaux sont plus grands ou plus petits d'après l'espèce de sympathie qui existe entre eux et les autres, que toutes les autres choses éprouvent leur influence, que les régions diffèrent les unes des autres d'après leur rapport avec les astres et surtout avec le soleil, que de la nature de ces régions dépendent non seulement les caractères des plantes et des animaux, mais encore les formes des hommes, leur taille, leur couleur, leurs affections, leurs passions, leurs goûts et leurs moeurs. Ainsi, dans ce système, le cours des astres est la cause absolue de tout.

Voici notre réponse :

D'abord, celui qui soutient cette opinion attribue indirectement aux astres tout ce qui nous est propre, ces volontés et nos passions, nos vices et nos appétits : il ne nous accorde point d'autre rôle que de tourner comme des meules, au lieu de produire par nous-mêmes, comme il convient à des hommes, les actes qui appartiennent à notre nature. Cependant, il faut nous laisser ce qui nous appartient, admettre que l'univers se borne à exercer quelque influence sur ce que nous possédons déjà par nous-mêmes et qui nous est réellement propre, enfin distinguer les faits où nous sommes actifs de ceux où nous sommes nécessairement passifs, et ne pas tout rapporter aux astres. Nous ne méconnaissons pas en effet que la différence des lieux et celle du climat aient de l'influence sur nous, nous donnent, par exemple, un tempérament froid ou chaud. Il en est de même de notre naissance : les enfants ne ressemblent-ils pas ordinairement à leurs parents par leurs traits, leur forme, et par quelques affections de l'âme irraisonnable? Néanmoins, s'ils leur ressemblent par la figure, parce qu'ils sont nés dans les mêmes lieux, ils en diffèrent considérablement par les moeurs et les pensées, parce que ces choses dérivent d'un tout autre principe. Nous pourrions encore invoquer ici à l'appui de cette vérité la résistance que l'âme oppose au tempérament et aux appétits. Veut-on que les astres soient les causes de toutes choses, parce que c'est en considérant leurs positions que l'on peut prédire ce qui doit arriver à chaque homme ? Il serait tout aussi raisonnable d'avancer que les oiseaux et les autres êtres que les augures contemplent pour en tirer des présages produisent les événements dont ils sont les signes."


DE L’INFLUENCE DES ASTRES