Il y a quelques jours, le "chat du jardin" s'offrait la sieste à la maison, justement quand j'ouvrais ce livre qui stagne sur une étagère depuis des années : "L'esprit et la matière" d'Erwin Schrödinger, précédé de L'élision par Michel Bitbol.
Et depuis plusieurs jours, le chat ne vient plus en visite pour ses dîners quotidiens... mort...ou vif quelque part ailleurs ? Qui sait ?

Pour le chat..."Je ne sais pas"... pour ce qui en est de la "Réalité"... avec Schrödinger, nous savons au moins que les réponses ne viendront pas de l'étude des phénomènes, surtout quand on fait comme si l'observateur en était exclu, d'où l'élision de M. Bitbol. Il est possible de transposer d'ailleurs à toute discipline d'étude qui tend à se donner une allure de crédibilité scientifique en utilisant le même subterfuge.

Cela dit... la question fondamentale remarquable en philosophie, en science et partout, reste : "Qui est l'observateur ?".
Le langage commun est trompeur, comme le remarquait David Bohm, c'est de la représentation de l'existence (Jupiter), et le mot "conscience" est utilisé à tort et à travers. On ne sait plus si elle est uniquement de l'ordre mental émergeant du sensorimoteur ou si elle est un au-delà du monde des sensations et du mental qui l'englobe... Et parmi ce foisonnement, il y a persistance archaïque, à la faire émerger de la matière, du cerveau...

Donc, achevant ce livre, il est fondamental de reconnaître l'intention de l'homme de science et ce qu'il poursuit dans sa démarche. Certains, comme j'ai pu lire ailleurs, en restent au "calcule et tais-toi"... chez d'autres, l'ouverture est plus vaste... ainsi pour Schrödinger, dans ces quelques citations d'un autre de ces livres "Ma conception du monde" :

"Il est impossible que cette unité de connaissance, de sentiment et de choix que vous considérez comme vôtre ait surgi du néant il y a peu de temps, à un moment donné, car cette connaissance, ce sentiment et ce choix sont, essentiellement, éternels, immuables et numériquement un chez tous les êtres humains, plus particulièrement chez tous les êtres sensibles. Mais elle n’existe pas au sens où vous êtes un élément, un fragment d’être éternel, infini, ou un aspect, une modification de cet être, comme dans le panthéisme de Spinoza. Car on pourrait alors se poser la même question troublante : quel fragment, quel aspect de cet être est vous ? Qu’est-ce qui le différencie objectivement des autres ? Non, aussi inconcevable que cela puisse paraître pour la raison ordinaire, vous – et tous les êtres conscients – êtes tout dans tout. Votre vie n’est pas seulement un fragment de l’existence dans son ensemble, elle est, en un certain sens, le TOUT, mais ce tout n’est pas constitué de telle manière qu’il puisse être découvert d’un simple coup d’œil."

"Il est fort curieux que la philosophie occidentale, qui a presque universellement accepté l'idée que la mort de l'individu ne met aucunement fin à quoi que ce soit d'essentiel de la vie, ait à peine honoré d'une pensée (excepté chez Platon et Shopenhauer) cette autre idée bien plus profonde et plus intimement joyeuse, et qui logiquement va de pair avec elle : l'idée qu'il en est de même pour la naissance de l'individu ; que je ne suis pas créé pour la première fois, mais que je suis progressivement réveillé d'un profond sommeil. Alors mes espoirs et mes aspirations, mes peurs et mes soucis peuvent m'apparaître comme étant les mêmes que ceux de milliers d'humains qui ont vécu avant moi. Et je peux espérer que ce que j'ai imploré pour la première fois il y a des siècles pourra m'être accordé dans quelques centaines d'années. Aucune pensée ne peut germer en moi qui ne soit le prolongement de la pensée d'un ancêtre ; il n'y a pas en réalité de nouveau germe (de pensée), il y a l'éclosion prédéterminée d'un bourgeon sur l'arbre antique et sacré de la vie. Je sais très bien que la plupart de mes lecteurs, en dépit de Schopenhauer et des Upanishads, prendront ce que je viens de dire pour une métaphore plaisante et adéquate, et refuseront d'accepter à la lettre l'axiome que toute conscience est Une par essence."

Michel Bitbol précise aussi :
"De même, Schrödinger ressentait une similitude entre la conception de Mach et celle des Upanishads, au moins à travers leur insistance commune sur l'unité du monde extérieur et de la conscience."

Effectivement... de quelle unité parle-t-on, il y a une unité des représentations (le R dans le RET) et l'unité de la transcendance englobant le Tout...(le T dans le même RET). Comme nous l'avons vu ici, l'unité de Mach semble une unité d'organisation des sensations, un super Jupiter/Vénus qui s'étale dans le cosmos physique. Mais à l'inverse, existe-t-il un monde sans "moi" qui le perçoit et se le représente... en d'autre termes, si je n'étais pas né, le monde existerait-il ?... quel monde... le mien ou celui du chat la nuit...On appelle cela le solipsisme. Autrement dit, c'est bien la Terre qui tourne... et pas le ciel, et ce avant et après ma présence biopsychologique dans le spatio-temporel, du moins dans le Grand Jeu cosmique...
Pour l'essence Une, voir ici l'intuition métaphysique et l'expérience de Ramana Maharshi, c'est direct et "socratique"... ;-)

Retenons donc simplement ce que Erwin Schrödinger dénonce : "le retrait du Sujet de la Connaissance du tableau du monde objectif comme le prix élevé payé pour obtenir un tableau assez satisfaisant, du moins pour l'instant." Et citant Jung : "La science dans sa totalité est cependant dépendante de l'âme, dans laquelle toute connaissance est enracinée. L'âme est le plus grand de tous les miracles cosmiques, elle est la conditio sine qua non du monde comme objet. Il est extrêmement étonnant que le monde occidental (en dehors de quelques rares exceptions) semble mal apprécier cette situation. La marée d'objets externes de connaissance a poussé le sujet de toute connaissance à se retirer à l'arrière-plan, souvent jusqu'à sembler ne pas exister."

Plus loin Schrödinger continue : "Cher lecteur, ou, encore mieux, chère lectrice, rappelez-vous les yeux brillants et joyeux avec lesquels votre enfant vous éclaire quand vous lui apportez un nouveau jouet, puis laissez le physicien vous dire qu'en réalité rien n'émerge de ses yeux ; en réalité, leur seule fonction objectivement décelable est d'être continuellement frappés par des quanta de lumière et de les recevoir. En réalité ! Etrange réalité ! Quelque chose semble manquer en elle."

Retirer le Sujet (corps/mental-RE) observateur d'un monde réel objectif séparé est de l'ordre de Saturne, mais est l'illusion sans l'âme... ou sans Brahman... aussi illusoire que la triade : monde, ego et Dieu séparés. Si Saturne n'atteint pas le niveau T universel et la verticalité (Uranus Tr), l'insight de l'intelligence universelle...

Ouf ! Heureusement dans le RET... Tout est en communication instantanée ! Le saut suivant étant la Transcendance de l'intégration sujet/objet... :-)

Pour M.Bitbol : "La raison pour laquelle Schrödinger tenait tant à dissocier sa réflexion métaphysique de sa réflexion sur la théorie physique qu'il a contribué à créer, est qu'il redoutait l'illusion scientiste, autrement dit la croyance que les savoirs objectifs sont capables de remplir complètement le champ de la connaissance. Etre affranchi de cette illusion, cela veut dire admettre l'inaccessibilité de la fondation des savoirs objectifs à leur propre méthode. Et cela implique par conséquent de séparer soigneusement le discours scientifique de l'analyse de ses présuppositions."



Et pour l'épistémologie et le savoir plus à propos d'Erwin Schrödinger :

"L'esprit et la matière" site de Michel Bitbol

Erwin Schrödinger 1/2, une heure avec Michel Bitbol

Erwin Schrödinger 2/2, une heure avec Michel Bitbol

L'alter-ego et les sciences de la nature

A propos du chat : Le paradoxe du chat de Schrödinger et la décohérence


Merci à la Conscience universelle qui observe par les yeux du chat! :-)




Non dualité, conscience et solipsisme... Francis Lucille et Rupert Spira




Voir aussi :

"La science basée sur l'Observateur"

Penser le Réel ou être le Réel...

Sciences et conscience